Contrairement à l’absentéisme, facilement mesurable, le présentéisme est un phénomène difficile à identifier dans l’entreprise. Bien que le sujet préoccupe de plus en plus de dirigeants, sa définition reste floue, et les actions menées pour le prévenir sont encore insuffisantes.
Dans son article « S’attaquer au présentéisme pour éviter le pire », le média des conseillers professionnels en services financiers au Québec « Conseiller » a interrogé un expert, Éric Gosselin, professeur titulaire en psychologie du travail et des organisations à l’Université du Québec en Outaouais (UQO).
Définition et causes du présentéisme
« Quelqu’un qui va sur Facebook pendant son travail ne fait pas du présentéisme », prévient Éric Gosselin. Il précise ainsi que « le présentéisme se caractérise par le comportement du travailleur qui, malgré des problèmes de santé physiques ou psychologiques nécessitant une absence, persiste à se présenter au travail ».
D’après le professeur, les causes du présentéisme peuvent être divisées en deux catégories. Il distingue ainsi le présentéisme volontaire, c’est-à-dire une personne qui pourrait s’absenter de son travail pour des problèmes de santé physique ou psychologique, mais qui ne le fait pas pour diverses raisons. Dans ce cas, la stigmatisation des problèmes de santé mentale ne ferait que renforcer le phénomène, les employés concernés préférant ne pas déclarer leur mal-être. Et le présentéisme involontaire, « d’une personne malade qui n’a pas le choix de se présenter au travail ». Il concerne généralement ceux qui ont des emplois précaires, et qui ne peuvent pas se permettre de s’absenter au risque de perdre leur travail. « Le présentéisme volontaire touche davantage les employés très engagés, qui se sentent essentiels dans leur travail », explique Éric Gosselin.
Les différents facteurs de risque
Selon une étude menée en milieu scolaire par le professeur Gosselin et son équipe, les femmes, les travailleurs plus âgés et les personnes qui ont de jeunes enfants seraient plus susceptibles de faire du présentéisme. En outre, les travailleurs avec un haut niveau de stress le seraient d’autant plus. « Il s’agit d’un facteur à double risques, car le stress augmente le risque d’être malade et, une fois malade, il augmente le présentéisme » ajoute le chercheur.
D’autres facteurs de risques ont été identifiés, tels que les horaires de travail variable, des charges de travail importantes, un faible contrôle sur ses missions professionnelles, ou encore un manque de cohésion au sein de l’équipe.
Enfin, « les emplois en relation d’aide sont plus touchés », mentionne Éric Gosselin. « Les infirmières, les enseignantes, les médecins, les travailleurs sociaux font plus de présentéisme. On associe cela au fait que l’absence aura une incidence sur la clientèle ».
Partant du principe que le présentéisme d’aujourd’hui est un indicateur d’absentéisme futur, les entreprises ont tout intérêt à le repérer rapidement. Une étude américaine de 2003 alertait d’ailleurs sur le coût qu’il représentait déjà à l’époque, soit trois fois plus que l’absentéisme.
Les moyens pour prévenir le présentéisme
Pour Éric Gosselin, « plus les gens seront bien au travail, moins ils auront de problèmes de santé psychologique causés par l’organisation et moins ils feront d’absentéisme et de présentéisme. Actuellement, rien n’oblige les employeurs à réduire le niveau de stress de leurs employés, alors que des lois les obligent à réduire le niveau de danger physique lié au travail. Il faut que les organisations permettent de prévenir les problèmes de santé psychologiques au travail, pour qu’au moins ce ne soit pas la source du problème de santé, ce qui est souvent le cas actuellement ».
Les actions concernant la culture d’entreprise, le type de gestion, l’ambiance et le climat de travail, l’organisation en elle-même et la promotion de la santé seraient ainsi efficaces pour prévenir le présentéisme.
Au Canada, une jeune entreprise a pris des mesures surprenantes, qui ont un impact très positif autant sur l’absentéisme que sur le présentéisme. La société GSOFT offre ainsi à ses salariés des vacances et congés maladie illimités, et la possibilité de prendre une année sabbatique, tout en se concertant avec l’équipe pour ne pas nuire aux projets en cours.
Elle favorise également le télétravail, et a mis en place un programme d’aide psychologique aux employés. « Les vacances illimitées ont eu un impact important sur la performance », explique Marianne Lemay, directrice culture et talent. « Auparavant, les heures supplémentaires étaient payées. Les gens restaient donc plus longtemps au bureau pour faire plus d’argent. Maintenant, les gens font leurs 37,5 heures et sont beaucoup plus productifs quand ils sont là ».
L’entreprise a également mis en place des mesures pour détecter le présentéisme. « Chaque manager rencontre chacun de ses employés une fois par mois pour lui demander comment il se sent et s’il est productif », explique la responsable des ressources humaines.
En 2011, le site de ressources humaines « Focus RH » publiait une tribune du Dr Philippe Rodet, qui alertait déjà sur les dangers du présentéisme, notamment celui lié au stress. « Si le présentéisme s’étend et « contamine » de plus en plus de collaborateurs, cela doit être vécu, si ce n’est comme une alarme, tout au moins comme une alerte. Il faut alors voir d’une part si une nouvelle source de stress n’est pas apparue et d’autre part si les « facteurs de protection » ne sont pas moins présents. Une fois, la cause repérée, il est important d’agir soit au niveau des sources (objectifs fixés à un niveau impossible à atteindre, pression d’enjeu trop importante, tensions entre des collaborateurs…) soit sur les facteurs de protection : sens perceptible, liberté d’action suffisante, encouragements efficaces, sentiment de justice suffisamment fort, signes de gratitude…
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