À l’occasion de la sortie de La bienveillance au travail, Marc-Olivier Fogiel recevait à l’antenne d’RTL le docteur Philippe Rodet pour parler des vertus du management bienveillant.
Réécoutez l’émission directement sur RTL.fr (extrait à 29:38) dans l’émission du 28 mars.
Marc-Olivier Fogiel – Trop de stress, pas assez de motivation, si rien ne va plus dans votre travail, lisez le docteur Philippe Rodet, l’apôtre de la bienveillance en entreprise. Salariés, patrons, vous allez voir, ça fait du bien à tout le monde.
La bienveillance au travail, ça marche, bonjour docteur Philippe Rodet.
Philippe Rodet – Bonjour Marc-Olivier.
M.-O. F. – Vous publiez La bienveillance au travail aux Éditions Eyrolles. Ce livre, c’est le fruit de 10 ans de recherches et d’interventions dans les entreprises pour développer le management bienveillant. C’est votre boulot aujourd’hui. Ce n’est pas une mode, ce n’est pas un gadget ?
P. R. – Absolument pas, si on parle aujourd’hui beaucoup de comportements bienveillants, ce n’est pas lié au hasard, c’est qu’il correspond à deux maux de notre société. D’une part, un niveau de stress qui ne cesse d’augmenter : en 10 ans, on est passé de 40% de personnes qui s’estiment stressées à 62% et en parallèle, le pourcentage de personnes très motivées, très engagées, est passé en 10 ans de 42% à 28%.
M.-O. F. – Donc il y a un rapport direct, et vous votre boulot à travers votre société que vous avez montée, c’est de venir aux côtés des entreprises pour développer cette bienveillance au travail. C’est quoi être bienveillant au travail, en entreprise ?
P. R. – Être bienveillant, ça va permettre de jouer sur ces deux paramètres : faire baisser le stress, augmenter la motivation. Comment être bienveillant ? Ça va consister à augmenter les émotions positives d’une part, par exemple en expliquant à un collaborateur à quoi il sert, à quoi il est utile, en lui fixant des objectifs qui soient des défis possibles, en lui accordant un juste niveau d’autonomie, preuve de confiance, en exprimant de temps en temps de la gratitude ou des encouragements.
M.-O. F. – On va rentrer dans le détail de cette bienveillance au travail. On parle beaucoup, nous les médias, de burnout, de mal-être au travail, près de 40% des français ont déjà fait un burnout. Vous diriez qu’il y a une vraie prise de conscience dans la société ? On est à un tournant ? On fait de plus en plus appel à vous et à d’autre pour distiller cette bienveillance dans le management ?
P. R. – Oui, il y a une vraie prise de conscience. Et cela est très agréable. La préface de ce livre a été rédigée par le président d’un Groupe de BTP. Je ne suis pas certain qu’il y a 15 ans un président de Groupe dans le BTP se serait intéressé à ces sujets. Il y a un vrai progrès, une vraie prise de conscience qui s’opère. Quand on le voit de l’extérieur on a parfois l’impression que les choses ne vont pas assez vite, c’est certain, mais il y a une vraie prise de conscience qui s’opère.
M.-O. F. – Et on ne se dit pas dans le monde de l’entreprise que l’on connaît, qui est difficile, tout ça, c’est de la guimauve, c’est très gentil mais en fait nous on est là pour le rendement et le côté on va mettre un petit peu de liant dans tout ça ce sont des belles paroles…
P. R. – Non, car à partir du moment où on va pouvoir influer sur la motivation des personnes qui travaillent dans l’entreprise, à partir du moment où on va pouvoir obtenir des résultats à ce niveau, et bien ce sont des résultats qu’on ira chercher. Entre 100 personnes qui viennent travailler le matin pour bosser et 100 personnes qui ont envie de bien faire, de réussir, de se dépasser, on n’aura pas les mêmes résultats.
M.-O. F. – Vous parliez du stress donc, qui est couramment répandu. De 40% on est passé à 62%. Ça s’explique scientifiquement, quand on est stressé, on est moins performant, on a moins de motivation, le stress génère un déséquilibre hormonal qui modifie notre manière de traiter les informations. Il nous rend plus irritable, moins performant. Ça c’est scientifique docteur ?
P. R. – Oui, c’est scientifique, depuis quelques années on s’appuyait sur une étude qui s’appelait « Biologie de la motivation » qui montrait que quand on est stressé, une des hormones indispensable à la motivation va s’effondrer, et donc la motivation sera moins facile. Il y a 3 semaines, une nouvelle étude a montré que le stress avait un impact sur des gênes et parmi ceux-ci, il y en a un qui code pour des récepteurs d’une hormone indispensable à la motivation. Donc que ce soit d’un point de vue hormonal ou plus récemment d’un point de vue épigénétique, le stress va effondrer la motivation
M.-O. F. – Et donc en distillant de la bienveillance votre boulot en accompagnant les entreprises, vous avez donc des salariés qui sont plus engagés. Puisqu’aujourd’hui ce chiffre est fort, seuls 6% des actifs français se déclarent engagés dans leur travail, 69% se seraient désengagés et 25% seraient activement désengagés. Ça, est-ce que c’est spécifique à notre société française ?
P. R. – La France a 2 caractéristiques, on est un des pays leaders en matière de consommation d’anxiolytiques à l’échelle de l’Europe, et à l’échelle de l’Europe on est le pays où il y a le moins d’engagement.
M.-O. F. – Le constat est clair, maintenant, les solutions, du moins celles que vous proposez en entreprise. La première chose, c’est de donner un sens à la mission de chacun, il est important pour ça d’avoir des échanges réguliers avec les équipes.
P. R. – Oui, et d’expliquer. Trop souvent on va demander à un collaborateur de faire quelque chose sans expliquer. Combien de fois quand je vois une hôtesse de caisse dans un hypermarché, on va prendre une profession où ce n’est pas toujours facile de voir le sens, quand je lui dis : « À quoi servez-vous ? », elle me dit : « Vous savez, je sers à encaisser », ou « Je suis le dernier lien entre le client et le magasin » mais peu me disent « je crée du lien social avec les personnes âgées qui viennent 3 fois par jour parce qu’elles s’ennuient ». Donner du sens, c’est aider ces personnes à voir à quel point elles sont utiles.
M.-O. F. – L’autonomie, plus la liberté d’action est importante, plus le niveau de stress est bas vous expliquez…
P. R. – Oui, tout à fait, si on a du pouvoir d’agir, on va être moins stressé. On l’a vérifié dans des entreprises qui font par exemple du transport en commun, les conducteurs de bus sont toujours beaucoup moins stressés que les conducteurs de tram parce que s’il y a besoin ils peuvent freiner, ils peuvent donner un coup de volant. Le conducteur de tram il dit « Moi, le coup de volant j’oublie, avec l’inertie je risque de toucher la personne ». Il y a une très belle phrase de Paul Ricoeur qui l’illustre à merveille : L’amputation du pouvoir d’agir, c’est de la souffrance.
M.-O. F. – Des encouragements qui aident à diminuer les effets du stress, ça c’est important. L’empathie qui facilite la communication. Autre clé, on ne peut pas toutes les décrire ce soir mais admettre ses erreurs, le fait de déculpabiliser l’autre. On se plante au boulot, et ce n’est pas grave.
P. R. – Oui, il peut arriver à tout le monde d’être trop ferme avec un collaborateur. Après, c’est important d’aller voir la personne, d’échanger avec elle, de prendre le temps de voir comment on peut éviter que cela ne se reproduise. Et on se quitte, on n’est plus fâchés.
M.-O. F. – Vous avez monté votre Cabinet de conseil en 2008. Avant vous étiez médecin urgentiste, qu’est-ce qui vous a fait basculer ? J’allais vous provoquer en vous disant « le désir d’avoir un chiffre d’affaires plus important qu’un médecin urgentiste qui gagne mal sa vie ». Le côté « Aller, je vais amener de la science et de la bienveillance en entreprise ce sera plus lucratif »…
P. R. – C’est une dame très âgée qui m’a fait basculer. Une dame qui était académicienne, c’est Jacqueline de Romilly. Jacqueline de Romilly, je l’avais rencontrée pour savoir si dans l’Antiquité Grecque, dans la Grèce Antique, si la notion de motivaiton existait. Et bien, on échange sur ce sujet, et puis par la suite c’est elle qui me poussera à créer le Cabinet en me disant « ce qui vous intéresse, c’est finalement de faire du bien-être dans l’entreprise. Votre Cabinet vous pourrez l’appeler BiEn, ce sera les deux premières lettres de BIen-être, et les deux premières lettres d’ENtreprise, et vous pourrez conclure toutes vos conférences sur la contagion du bien ». Vous voyez, c’est une femme qui m’a fait changer d’avis !
M.-O. F. – Vous avez beaucoup de clients docteur dans ces entreprises ? C’est une tendance forte ?
P. R. – C’est une tendance forte, on la retrouve dans la grande distribution, on la retrouve dans la pharmacie, c’est vraiment une tendance forte qui se répand à l’heure actuelle et c’est ce qui est très rassurant. Et mon souhait le plus intime c’est peut-être que finalement ce qui se passe dans l’entreprise demain diffuse un petit peu, contamine un petit peu à l’échelle de la société.
M.-O. F. – C’est ce que j’allais vous demander, est-ce que vous n’êtes pas à contre courant quand vous voyez l’actualité, vous êtes ce soir dans une tranche d’informations, tout est anxyogène, vous voyez l’état de clivage de la société avec ce qui se passe notamment tous les samedis. Vous ne vous dites pas que vous êtes totalement à contre-courant ?
P. R. – Parfois c’est très agréable d’être à contre-courant. Je crois que notre société traverse une véritable crise de la considération, et je crois qu’il faut par tous les moyens exprimer de la considération. Il faut que l’on arrive à donner de nouveau envie aux personnes de vivre ensemble. Ce qui est important demain ce n’est pas l’intérêt personnel de X, Y ou Z, c’est la cohésion.
M.-O. F. – Vouloir la cohésion, sur RTL, c’était notre slogan : « Vivre ensemble ». Mais est-ce qu’aujourd’hui vous ne vivez pas dans un pays des Bisounours ?
P. R. – Et bien il y a dix ans on me disait la même chose dans le monde de l’entreprise. « Attendez, vous parlez de bienveillance mais chez nous… », je me souviens d’un dirigeant qui m’avait dit : « Ah vous savez moi j’ai un grand principe, c’est que la branlée du matin n’arrête pas le pellerin » ! Effectivement il avait peut-être raison quand il s’agit d’un pellerin, mais par rapport aux collaborateurs ça ne se passe pas bien. Aujourd’hui, ces propos-là on ne les entend plus. Et donc je ne désespère pas que demain, à l’échelle de la société, les mêmes principes produisent les mêmes effets.
M.-O. F. – Docteur Philippe Rodet La bienveillance au travail aux Éditions Eyrolles, merci !
P. R. – Merci à vous.
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